Point sur la santé : Quel est votre message essentiel ?
Priscille Deborah : Après avoir combattu la dépression et surmonté mon handicap, j’ai choisi de poursuivre mes aspirations, telles que devenir une artiste peintre reconnue… il n’est jamais trop tard pour embrasser la vie pleinement et s’adonner à ses passions. Pour ma part, c’est la peinture, qui a toujours eu une place prépondérante dans mon cœur. Dans mon existence antérieure, je ne prenais pas suffisamment en compte mes propres désirs, obsédée par le paraître, ce qui m’a conduit dans un gouffre de vide intérieur. Mon accident a été un signal pour me pousser à aller de l’avant sur mon chemin de réalisation personnelle.
Aujourd’hui, je vis avec passion.
Quel a été le principal obstacle que vous avez dû franchir ?
Le réveil à l’hôpital a été un choc : j’avais perdu mes jambes et mon bras droit. La question de savoir comment continuer à vivre avec ce nouveau corps me semblait insurmontable.
De retour chez moi, rien n’était préparé pour une personne en fauteuil roulant. Notre domicile comportait plusieurs étages, les meubles de la cuisine étaient inaccessibles, la porte des toilettes ne pouvait pas fermer avec le fauteuil, et je devais me traîner pour monter ou descendre les escaliers… Heureusement, je pouvais compter sur le soutien de ma fille de deux ans, avec qui j’ai tissé des liens très forts, et sur ma peinture, qui me fournissait l’énergie nécessaire pour accepter mon handicap et regagner peu à peu mon indépendance.
Comment avez-vous surmonté cette épreuve ?
Beaucoup pensent qu’être handicapé signifie la fin de tout. Mais ce n’est pas forcément le cas. Dans le centre de rééducation où j’ai appris à marcher avec des prothèses, j’ai rencontré une autre jeune femme amputée qui débordait de joie de vivre. Elle m’a dit : « Tu as le choix de te laisser abattre ou de prendre ta vie en main. »
J’ai choisi de vivre, et de vivre pleinement. Dans cette nouvelle existence, j’ai décidé de réaliser mes rêves. La peinture me passionnait, je suis donc devenue artiste peintre. Je me suis fixé un cadre strict, des heures de travail, et je me suis lancée. Aujourd’hui, je réalise des expositions en France et à l’étranger. Quel parcours accompli ! J’ai également découvert la natation, le surf, la plongée, le ski… J’ai refait ma vie et avec mon partenaire, également en fauteuil roulant, nous avons eu une fille qui est un véritable rayon de soleil. Je suis passée de la survie à une vie pleine et épanouie.
Comment puiser des forces en soi ?
J’ai choisi de faire table rase du passé. J’ai cessé de « comparer » ma vie d’avant avec ma situation actuelle. Bien sûr, il y avait beaucoup de choses que je pouvais faire avant que je ne puisse plus réaliser maintenant. J’ai surmonté ces défis en rencontrant de nouvelles personnes, également éprouvées par la vie, mais décidées à transformer leur vécu en quelque chose de positif. Ce processus de résilience révèle une force intérieure insoupçonnée.
Quelles qualités sont nécessaires pour devenir la première femme bionique française ?
Il faut de la vitalité, de la discipline et de la patience. Ne jamais abandonner, même si les résultats ne sont pas immédiats. J’ai passé deux ans dans un centre de rééducation fonctionnelle à Nantes, une semaine par mois, puisque je réside à Albi. Là, j’ai suivi un programme rigoureux, soutenu par une équipe médicale multidisciplinaire, qui a aidé mon cerveau à refaire les connexions nécessaires pour contrôler à nouveau un « bras » droit. C’est une technologie de pointe qui demande beaucoup d’effort et une volonté de fer. Aujourd’hui, je suis la première femme en France à utiliser une prothèse de bras totalement contrôlée par le cerveau.
Êtes-vous heureuse aujourd’hui ?
Il y a quinze ans, on me disait que j’avais tout pour être heureuse, mais ce n’était pas le cas. Aujourd’hui, certains pourraient penser que je ne peux pas être heureuse, et pourtant, je le suis. Mon corps et mon esprit ont changé. Je me laisse porter par la puissance de la vie. Le bonheur, je le cultive chaque jour en me concentrant sur l’essentiel…
Il est crucial de partager son expérience, les leçons apprises et d’offrir de l’espoir aux autres. J’ai également écrit un livre pour mes filles. Ma dépression, ma tentative de suicide, mon handicap, mon chemin vers la résilience et maintenant mon exploit « bionique » font aussi partie de leur histoire.
A lire : Une Vie à inventer, Priscille Deborah et Sandrine Cohen (éd. Albin Michel)
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